José Malevé Désiré Roegiest
|
Philippe Denis
L'art de faire parler le métal
Philippe Denis n'était pas un artiste quelconque. C'était un prodigieux
créateur qui a donné à la sculpture moderne quelques-unes de ses lettres de
noblesse.
Même s'il n'a pas rencontré la gloire, il est de ceux dont il faudra tenir
compte à l'heure où se dressera le bilan artistique du XXè siècle.
Philippe Denis entretenait des liens secrets et privilégiés avec la beauté et
la poésie. Son oeuvre est celle d'un homme tranquille devant la certitude du
temps qui s'écoule et la vanité de notre époque. Pour l'artiste, seul comptait
le pouvoir évocateur de son art et ses états d'âme, confiés à la matière, nous
sont parvenus intacts.
Travaillant sans relâche, d'une grande exigence envers son oeuvre, Philippe
Denis désirait exprimer quelque chose de sérieux, gommant les détails qui lui
semblaient superflus et portant son art jusqu'aux limites qu'il se
reconnaissait. Il pliait la matière à ses exigences, lui conférant une présence
d'une rare qualité.
Aucune technique du métal ne lui semblait étrangère et maniant le cuivre,
l'acier ou le laiton, il les martelait, les ciselait, les coulait, les soudait
parfois même, jusqu'à ce que naisse l'effet voulu.
Né à Philippeville en 1912, Philippe Denis avait fait ses études dans la
classe d'orfèvrerie à l'Ecole d'art de l'abbaye de Maredsous (province de
Namur), où il enseigna par la suite. Il fut appelé à créer des sculptures
destinées à s'intégrer dans des architectures et on lui doit de nombreuses
sculptures monumentales pour les bâtiments publics, tels la spirale du centre
culturel d'Ottignies ou encore l'idéogramme de la ville universitaire de
Louvain-la-Neuve placé sur le fronton du collège Albert Deschamps. C'est aussi
lui qui est l'auteur du monument au civisme qui se dresse face à l'église
Saint-Joseph à Waterloo. Attiré par l'art religieux, il réalisera également des
ensembles que l'on peut toujours voir dans des églises de chez nous ou dans
celles de France, du Congo ou aux Etats-Unis.
Au début des années 70, Philippe Denis sera tenté par l'aventure de
l'abstraction et travaillera à la recherche de la forme épurée à l'extrême, avec
un sens particulier du rythme et d'une sensation de mouvement. Sa formation
d'orfèvre l'amènera à une étude minutieuse de la forme et à son fini parfait. La
courbe, la spirale, le rond, l'ellipse auront souvent la préférence de
l'artiste, dont il tirera les effets les plus réussis, mais jamais gratuits. Il
imaginait ses sculptures au départ d'une image mentale qui s'imposait à lui et
la traquait, la disséquait, l'épurait jusqu'à ce que l'objet crée soit en
parfaite harmonie avec sa vision.
Fixé à Waterloo (province de Brabant), Philippe Denis oeuvrait en solitaire
mais ne dédaignait pas de faire visiter son atelier et de donner des
explications sur son travail. C'est là, dans l'Avenue des Sansonnets, qu'il
devait s'éteindre en 1978 à l'âge de 66 ans.
Il a laissé derrière lui une oeuvre d'une dignité exemplaire et riche de
toutes ses voix intérieures. Son oeuvre est une invitation à reconsidérer la
sculpture non seulement comme une démarche esthétique, mais surtout comme une
manifestation visible de la vie subconsciente et poétique.
Désiré ROEGIEST.
Paru dans le revue Je vais construire n° 243 - septembre 2001.
|